Malgré les impacts croissants du numérique, le marché du numérique responsable n’est pas encore mature, comme le décrit Frédérick Marchand, Cofondateur et CEO de Digital4Better.
Intro : Une injonction à se réinventer
L’étude de KPMG innovation a identifié six tendances dans l’innovation cette année. D’abord, le contexte multicrise qui favorisera le retour à l’humain (L’humain au cœur), une économie du lien basée sur la collaboration, la frugalité (« plus » de « moins »), le bio-continuum (nous faisons partie des écosystèmes), la tendance ADN Tech, qui repense le sens d’une innovation plus responsable.
Entre révolutions globales, impacts de la crise sanitaire et évolutions silencieuses, le monde se transforme en profondeur. Chaque jour, de nouveaux modes de production émergent. Des formes inédites de travail et de relations au travail se développent. Les façons de consommer évoluent. Un moment singulier, une injonction à se réinventer.
1. Les parties prenantes plus exigeantes en matière de climat
Cette année, les parties prenantes seront favorables aux marques qui prennent des engagements environnementaux et sociaux solides. Les entreprises entre elles seront plus exigeantes. Déjà, de plus en plus de grands groupes demandent à leur parties prenantes (sous traitants, fournisseur, etc.) de remplir des rapports sur leurs impacts RSE, car ils impactent leurs propres bilans (Scope 2).
70% des consommateurs français
Selon une étude de Deloitte de 2021, près de 70% des consommateurs disent qu'ils sont plus enclins à acheter des produits de technologie de la part d'entreprises qui ont des programmes de responsabilité sociale et environnementale solides.
40% d’ici 2050 pour l’état français
La France doit sortir de sa dépendance aux énergies fossiles et réduire de 40 % sa consommation d'énergie d'ici 2050. Les entreprises devront mettre en application un certain nombre de mesures (Plan de sobriété énergétique de l'état p.20, les mesures pour les entreprises + p.32 le numérique).
84 % des investisseurs
84% des investisseurs accorderont une importance primordiale au réchauffement climatique dans leurs investissements cette année. (Source : Robeco, perspectives 2023)
2. Des consommateurs plus vigilants, avec la pandémie de COVID-19
Le Covid continuera probablement de peser sur la vie quotidienne et l'économie dans de nombreux pays, avec des efforts pour renforcer la résilience et la préparation aux futurs événements de santé publique. Pour s’adapter, les consommateurs adaptent leurs comportements de consommation.
60 % pour du local
60% e-acheteurs affirment avoir commandé sur un site commerçant de proximité en 2021. Depuis la crise sanitaire, un Français sur trois a pour volonté d’acheter plus de produits locaux.
2 sur 5 pour le réemploi, l’économie collaborative et la location
Le recyclage a le vent en poupe ! Parmi les 5 sites e-commerce les plus populaires, 2 d’entre eux sont des sites de seconde main
(Source : Moncommerce, Nouvelles tendances de consommation 2023)
3. La cybersécurité, un enjeu stratégique
L'intelligence artificielle et la technologie de l'apprentissage automatique continueront à se développer et de s'étendre dans de nombreux domaines, tels que la santé, les transports, l'agriculture et la production. Des questions de compétitivité, d’éthique et de cybersécurité en découlent. Ces signaux, couplés avec le contexte actuel, nous indiquent que les enjeux de cybersécurité seront mis en lumière cette année, notamment avec les actions posées par le gouvernement français. VIsitez le site du Global Security Mag, pour en savoir plus sur les enjeux de cybersécurité cette année.
4. Les questions énergétiques, la RSE et l’ESG au cœur des préoccupations des investisseurs
La transition vers une économie plus durable et la lutte contre le changement climatique resteront des priorités importantes à l'échelle mondiale, ce qui poussera les entreprises à mesurer et à améliorer leurs impacts, au-delà de leur politique RSE. Cela pose la question de l’ESG, qui est challengée notamment par la question énergétique. Il s’agira notamment de savoir si les enjeux de sécurité énergétique de court-terme (liés à la guerre en Ukraine) prendront le dessus sur les objectifs de transition énergétique de long-terme (objectif Zéro émission net 2050).
La RSE connaît une période similaire à celle qu’a connu le numérique en 2001 : tout le monde en a entendu parler mais concrètement, elle manque de moyens pour agir et encore plus, pour agir de façon intégrée et avoir un impact plus puissant. Cette année, si elle est intégrée à la stratégie des entreprises, elle pourrait permettre de renouveler les business models, en se servant des nouvelles exigences de reporting extra-financier (CSRD).
Tout cela fait entrer en jeu les questions d’IoT, de Big Data et de Cloud computing, qui concerne les DSI. En effet, celles-ci récupéreront la responsabilité des achats numérique responsables, qui peuvent être ralentis par l’inflation et les pénuries. DSI et responsables RSE auront donc intérêt à se rapprocher !
5. Le Web 3.0, les NFT et les métavers : entre sobriété et innovation
Pour certains, le web 3 est une utopie anarchiste, un eldorado, une terre vierge porteuse d’espoir et d’un enthousiasme démocratique : il s’agit de créer un web enfin libre, transparent et sécurisé redonnant le pouvoir aux utilisateurs (au détriment de tout pouvoir centralisé et des big techs), en ne répétant pas les erreurs du web 1 et du web 2. Pour d’autres (particulièrement cette année), ce sera l’opportunité business du siècle. Dans tous les cas, les questions éthiques et énergétiques entourant le web 3.0. ne l’empêcheront pas d’émerger en force cette année. Pour aller plus loin, vous pouvez lire cet article d'Alexander Safonov sur les tendances des cryptomonnaies pour l’année 2023.
Avec les métavers, nous avons 7 technologies supplémentaires qui s’ajoutent à celles du web 1.0. et du 2.0. Cela nous entraînera dans un monde synthétique entre réalité et virtuel, comme le décrit le Hub Institute.
6. La blockchain : la réponse au Devoir de vigilance ?
Aura Toader, de MSCI London, pose la question dans un rapport sur les tendances ESG 2023, de savoir si la blockchain (basée sur les cryptomonnaie) pourrait être une réponse aux controverses sur la transparence et l’éthique dans la chaîne de valeur. En effet, selon certains, cette technologie pourrait permettre de mieux contrôler les violations aux droits humains. Plus de détails dans cet article de Novethic.
7. UX design et ergonomie centrées sur l’humain : Plus d’inclusion et d’accessibilité
Au niveau du design, cette année sera aussi marquée à la fois par les évolutions technologiques (notamment ce que permet de faire l’intelligence artificielle et la réalité virtuelle dans les arts) au niveau visuel, ergonomique et expérientiel. L'équipe de 99designs résume bien les grandes tendances du design graphique. Les procédés narratifs, les micro-interactions et l’intelligence artificielle peuvent permettre de développer une expérience plus réaliste et intéressante pour les utilisateurs.
On observe des tendances plutôt encourageantes cette année, allant vers plus de sobriété, d’inclusion (diversité) et d’accessibilité à tous les publics, comme le révèle Stratégies dans cet article. L’’accessibilité et l’inclusion sont souvent confondues, mais au moins, le sujet a réussi à se hisser en haut des tendances de l’année. On voit de plus en plus de sites qui utilisent le dark mode, optimisent leurs contenus et ont recours à des designs épurés, jouent avec les polices et tentent de concevoir des services utiles, utilisables et utilisés.
Concernant le code, nous allons vers un développement web plus sobre et plus sûr. On retrouve des tendances allant vers la simplification, la frugalité et l’optimisation. Mitya Smusin, Chief Executive Officer de Yellow Systems présente trois grandes tendances : le dark mode, l’usage de l’intelligence artificielle et des chatbots et la cybersécurité, ce qui confirme les tendances énoncées précédement.
8. Le développement de technologies durables et l’utilisation de la technologie pour lutter contre les défis environnementaux (IT for green).
Cette année, il y a de plus en plus d'opportunités pour à utiliser la technologie pour lutter contre les défis environnementaux, par exemple en utilisant des capteurs et des données pour surveiller et protéger les écosystèmes, ou en utilisant la technologie de l'intelligence artificielle pour optimiser les processus de production et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Apportons cependant un bémol. Cette tendance “techno-solutionniste”, légitimise la numérisation à outrance et nous pousse à l’obésité. De plus, elle fait souvent des promesses qui n’aboutissent à RIEN.
La tech a longtemps occupé le devant de la scène. Aujourd’hui, c’est l’humain et la notion même de progrès, comme le périmètre de la mesure d’impact, qui sont réinterrogés.
[Albane Liger-Belair, directrice de l'innovation KPMG](https://home.kpmg/fr/fr/home/kpmg-innovation-lab/exploration/economie-des-transferts-positifs.html "Book tendances 2023 innovation KPMG InnovationLab "Directrice de l'innovation chez KPMG")
4,5 trillions de dollars
Selon une étude de la Fondation Ellen MacArthur de 2020, l'utilisation de la technologie pour lutter contre les défis environnementaux pourrait générer des économies potentielles de 4,5 trillions de dollars d'ici 2030.
500 milliards de dollars
Selon une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de 2020, les gouvernements et les entreprises ont dépensé environ 500 milliards de dollars dans des projets de technologie durable en 2020, un chiffre qui devrait continuer à augmenter dans les années à venir.
9. La durabilité des centres de données
Il apparait crucial pour les entreprises de s'assurer que leurs centres de données sont écologiquement durables et utilisent de manière efficace l'énergie et les ressources.
+ 126% de consommation d'énergie entre 2005 et 2020
Selon une étude de Greenpeace de 2021, la consommation d'énergie des centres de données a augmenté de 126% entre 2005 et 2020, et il est estimé qu'elle continuera à augmenter de manière significative dans les années à venir si des mesures ne sont pas prises pour la réduire.
10. L'éco-conception des appareils électroniques
Il y a une prise de conscience croissante de l'importance de concevoir des appareils électroniques de manière à réduire leur impact environnemental tout au long de leur cycle de vie. Cela peut inclure des choses comme la possibilité de mettre à niveau ou de réparer les appareils, ainsi que l'utilisation de matériaux durables dans leur fabrication.
8% des émissions de gaz à effet de serre
Selon une étude de l'Union internationale des télécommunications (UIT) de 2021, les appareils électroniques représentent environ 8% des émissions de gaz à effet de serre mondiales et ce chiffre devrait augmenter de manière significative dans les années à venir si des mesures ne sont pas prises pour réduire l'impact environnemental de ces appareils.
11. La communication et le marketing responsables alliés de la RSE
Cette année, les marques seront attendues de pied ferme sur la communication par les parties prenantes, qui attendent plus de transparence, d’écoute et de preuves. Aligner stratégie commerciale et stratégie de communication, avec ses intentions et ses valeurs nécessitera une révision des méthodes employées en communication, en marketing et de publicité, dans le fond comme dans la forme. On voit déjà émerger des tendances telles que la communication éthique, engagée, authentique et responsable.
75 % des Français se disent méfiants
... à l’égard des engagements sociaux et environnementaux des entreprises (source Harris Interactive pour le mouvement Impact France – février 2022).
En matière d’environnement aussi, les marques doivent être vigilantes, afin d’éviter d’être accusées de greenwashing. Pour ce faire, elles peuvent mesurer l’empreinte environnementale de leurs campagnes de communication et penser à leurs impacts dès la conception du message, des contenus, dans le choix des canaux, des technologies et dans la diffusion. Pour regagner la confiance des consommateurs cette année, toutes les marques sans exception doivent se montrer à la hauteur des enjeux, tout en faisant preuve d’humilité et d’empathie. Et pour cela, il faudra s’appuyer sur la raison d’être et sur les preuves.
La communication des entreprises et des marques est un levier fort de transformation des représentations et des comportements, elle peut devenir un véritable catalyseur de contribution. […]
[Isabelle Dona, directrice générale et associée, LinkUp Factory](https://lareclame.fr/dossier-tendances-com-rse-2022-260964 "Tendances com et RSE 2023 "Tendances com et RSE 2023 "Tendances com et RSE 2023")
La législation s’en mêle déjà avec la Loi Climat et Résilience qui interdit depuis le 1er janvier de vanter une neutralité carbone dans les publicités en France sans preuves.
En conclusion : L’heure est au business staging
Selon Isabelle Saladin, présidente fondatrice d’I&S Adviser, l’heure n’est plus à la théorie et aux idéologies, mais au business staging (l’optimisation de la valeur de son entreprise). La question n’est pas de savoir si oui ou non les entreprises saisiront l’opportunité de se renouveler, mais comment. Et pour cela, il faut revenir aux fondamentaux. Une bonne résolution pour 2023 pourrait être de commencer par la lecture du sixième rapport du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat, car plusieurs pistes d’action s’y trouvent. L’heure n’est plus au constat, ou aux tergiversations. Bien que cela implique le deuil d’anciens schémas, il nous est aujourd’hui proposé de se renouveler à travers ces tendances afin de redessiner un pacte social équitable et porteur d’espoir pour tous.
Le Haut comité pour un numérique responsable créé en 2022 vise à faire converger transitions numérique et écologique, tout en maîtrisant l’impact environnemental du numérique en France. Ses deux missions sont de devenir l’instance unique permettant la mise en cohérence les feuilles de route interministérielles, la stratégie France 2030 et le cadre législatif et règlementaire et d’assurer une concertation avec tous les acteurs du numérique. Il présentera une feuille de route au printemps. Son travail permettra aux différents acteurs de se poser et de s’aligner.
Les tendances indiquent que le numérique responsable devrait être l’un des terrains stratégiques des grandes entreprises cette année, pour des raisons à la fois politiques, économiques, sociales, environnementales et réglementaires. Est-ce que ce sera le cas ? Il est difficile de prévoir l’avenir. Cependant, pour toutes ces raisons, il leur sera nécessaire d’évaluer leurs process et leurs impacts, à 360°.
Auteur : Marie-Christine Aubin
Pour aller plus loin :
Livre blanc Comment impulser le numérique responsable dans son écosystème?