1_Pourquoi le numérique responsable est-il stratégique ?
Le numérique est responsable de près de 4% des émissions de GES mondiales, autant que le secteur de l’aviation, en croissance de 10% par an. C’est d’ailleurs l’un des rares secteurs à avoir été en croissance durant la COVID-19. Et cela ne s’est pas ralentit depuis, c’est pourquoi il retient tant l’attention actuellement. Il est aussi trans-sectoriel, ce qui signifie qu’il a un impact dans tous les secteurs d’activité, indispensable au fonctionnement de l’état, et à la plupart des entreprises jusqu’à en être devenu stratégique pour leur croissance. Quant à la population française, les achats et usages d’internet et des technologies correspondent à près de 10% de leur empreinte carbone. En parallèle cette numérisation accélérée s’accompagne d’un accroissement des inégalités. La fracture numérique apparait comme un véritable talon d'Achille et fragiliser son déploiement. Pratiquement invisible, son impact sociétal et environnemental a longtemps été sous-estimé, il est pourtant bien réel.
C’est pourquoi les organisations doivent intégrer, dès à présent, une politique numérique responsable, incluant sobriété numérique, écoconception, inclusion et accessibilité au cœur de leur stratégie.
2_Pollution numérique des entreprises, quelques ordres de grandeur
Concernant uniquement la catégorie « Grandes entreprises », quelques chiffres extrapolés depuis le livre blanc du Shift Project et du CIGREF “Sobriété numérique : Piloter l’empreinte environnementale par la mesure”. Il s’agit d’une moyenne.
Émissions totales de GES du SI par utilisateur et par an (hors services et cloud) :
250kg CO2eq (dont 45kg pour le datacenter)
Pour les grandes entreprises, la proportion de l’impact environnemental du numérique est en grande majorité attribuable à la fabrication des terminaux.
Dans l’environnement de travail des collaborateurs, les principales sources d’émissions proviennent des équipements suivants :
Concernant les data centers, la phase de fabrication constitue toujours une part importante des émissions, mais avec une part due à l’utilisation très significative également :
Sur l’ensemble du système d’information, les composantes les plus impactantes en termes d’émissions concernent l’environnement utilisateur et de l’impression.
Les domaines où les entreprises sont les plus matures sont les suivants :
• La durée et la fin de vie des équipements
• Les centres informatiques
• L’impression
En revanche, les domaines où les entreprises sont les moins matures concernent :
• Les services numériques
• Les applications métiers
• La gouvernance
• La téléphonie
Ces faits sont intéressants, si l’on considère que de façon générale, le Green IT est fréquemment associé aux datacenters.
"Les datas centers privés, c'est un peu comme l'invincible armada espagnole. Si on avait plein de petits galions où chacun décharge à la main, et que tu compares ça à un porte-conteneurs gigantesque, on est sur deux infras différentes. Certes, l'unique data center pollue énormément, mais tu mutualises les besoins de tous tes clients, tu seras au top au niveau de la sécurité, et sur le long terme, tu seras gagnant, même au niveau énergétique." Patrick Fulop (Vice-président Cloud Operations chez Thalès Digital Les pros de la transfo)
Concernant les services numériques, adopter une démarche numérique responsable permet de répondre aux critères de valeur E.S.G. pas uniquement au niveau des émissions carbone mais aussi énergétique et des impacts sociaux.
Selon Content Square, le marché de l’inclusion et du handicap peut augmenter votre audience potentielle de 30% et il dépasse en nombre de personnes celui de la Chine.
71% des utilisateurs ayant des besoins spécifiques d’accès quittent un site si celui-ci pose des problèmes d’utilisation. Adopter une démarche d’écoconception peut optimiser vos parcours-client en vous faisant diminuer les freins, fidéliser vos prospects et augmenter votre panier moyen.
3_Les challenges des DSI en 2023
Massimo Guarnieri, Global Lead for "X on Azure" & Azure Platform Services et Europe Lead Avanade, a rédigé un article dans Silicon, dans lequel il présente les 5 défis et opportunités incontournables des DSI en 2023.
- Investir dans la résilience et la flexibilité pour faire face à l’imprévu
- Préparer les talents de demain
- Réduire les coûts sans compromettre la continuité
- Continuer à abattre les silos pour innover plus efficacement
- Prendre part aux conversations autour de l’ESG
Nous porterons notre attention sur le dernier point dans cet article, car pour nous, là où les DSI peuvent faire toute la différence en 2023, c’est en déployant une démarche numérique responsable. Parmi les challenges rencontrés par les DSI cette année, certains peuvent être relevés par un rapprochement entre la DSI et la direction RSE, la direction métiers et la direction projets. Selon une étude du Shift Project résumée dans cet article d’Alliancy, le numérique responsable monte en puissance notamment parce que la RSE groupe est un élément moteur.
Quand on s’intéresse aux enjeux ayant poussé les entreprises à mettre en place au moins partiellement, une stratégie numérique responsable, la stratégie RSE groupe revient largement en tête (60 %), devant la marque employeur (30 %) et le réglementaire (27 %).
La DSI est au cœur de la réussite d’une démarche numérique responsable. Si le métier de DSI lui-même est en transformation, c’est parce qu’il devient un acteur clef pour agir sur les process et même le business model des entreprises.
“Ce qui est marquant dans l’évolution du métier de DSI, c’est que l’importance considérable qu’a pris le numérique/le digital met le DSI dans un rôle clé au sein d’une entreprise. Il doit se projeter sur les usages internes mais aussi sur l’extérieur, pour améliorer les process client mais aussi développer de nouveaux business models”
Frédéric Riou, DSI chez Biogaran, (Les pros de la transfo)
4_Quel est le stade de maturité NR actuel des organisations ?
La plupart des DSI considèrent actuellement le numérique responsable essentiellement pour la dimension Green for IT, délaissant l’IT for Green l’Human for IT et IT for Human, qui constituent pourtant autant d’opportunités de création de valeur.
Selon la même étude du Shift project, le Green IT et la mesure de l’empreinte carbone prédominent dans leurs motivations.
Dans 45 % des cas, les participants n’ont pas identifié l’apport de valeur des technologies pour réduire l’empreinte environnementale, sociale et sociétale de leur entreprise (IT for Green). Un des motifs est que l’IT for Green est moins accessible que le Green IT, car reposant sur des cas d’usage dépendant du secteur et des besoins du métier. Inscrire l’IT for Green dans l’agenda nécessite la mise en place d’une veille sectorielle afin d’identifier les cas d’usage, la démarche de co-construction avec les métiers et l’identification de technologies de pointe de la part de la DSI.
La DSI doit clarifier son positionnement sur les sujets liés au numérique responsable afin d’être force de proposition. En activant les leviers qui placent ces sujets au cœur de la gouvernance stratégique de l’entreprise, les DSI font de la technologie un atout pour l’entreprise. Pour Patrick Fulop, (Vice-président Cloud Operations chez Thalès Digital Identity & Security ) le secret consiste à bien différencier les types de gains : le gain financier et le gain carbone.
Comment la Responsabilité Numérique des Entreprises peut-elle contribuer à la stratégie RSE des entreprises ? Pour y répondre vous pouvez lire notre article 8 raisons d’inclure la RNE dans votre stratégie RSE.
5_Les enjeux liés à l’évaluation et à la mesure des impacts numériques
Comment avoir des indicateurs précis sur l’impact carbone ? Aujourd’hui, il n’y a pas de méthode labellisée sur la partie numérique (Le bilan carbone étant une appellation déposée concernant une méthode d’évaluation non spécifique au numérique), du fait de la complexité des interactions : réseaux, data centers, etc. Chacun développe donc sa méthode.
Les marges d’erreur dépendent du modèle sur lequel on se base. La majorité se basent sur le One Byte model. Bien que décrié il apporte une vision d’étalonnage commune permettant si ce n’est d’être au bon chiffre de travailler à son amélioration ! Si l’on s’en tient à une vision rigoureuse, on ne peut pas aujourd’hui garantir que l’on a réellement économisé ou émis les tonnes de CO2 affichées mais leur impact demeure lui bien réel.
La mesure
Le sujet de la mesure de l’empreinte environnementale du numérique est un sujet d’une grande complexité car il nécessite :
- L’accès à des connaissances qui tiennent parfois encore de l’ordre de la recherche, de ce fait de nombreuses mesures sont faites à partir d’hypothèses, surtout lorsqu’il s’agit de mesurer l’impact de l‘ensemble du cycle de vie d’un service numérique ;
- Une appropriation et une sensibilisation des développeurs, chefs de projets, mais également des responsables d’architectures et d’infrastructures, ce qui suppose de leur procurer des méthodes et outils de mesure communs, efficaces et simples d’utilisation, et de savoir les accompagner dans la mise en œuvre ;
- Une collaboration et une transparence de l’ensemble de l'écosystème concerné par le cycle de vie d’un produit ou service numérique
Source : Livre blanc du CIGREF et du Shift “Sobriété numérique : Piloter l’empreinte environnementale par la mesure”
6_Les avantages d’un bilan dynamique pour le pilotage de performance
Suite à cette évaluation, il est souvent préférable de mettre en place une feuille de route dans une démarche d’amélioration continue en accompagnant les équipes de pilotage et de mise en œuvre
Un accompagnement Numérique Responsable (NR) combiné à un outil de pilotage dynamique vous permet d’identifier les failles de vos process et d’optimiser à chaque nouveau cycle d’évaluation vos impacts.
Conclusion : L’audit Numérique responsable offre plusieurs leviers de changement
En 2023, réaliser un audit NR intégral pourrait faire toute la différence pour les DSI mais aussi pour la résilience des entreprises. Nous entendons par “audit intégral”, sur l’ensemble du cycle de vie de vos services numériques, de votre parc IT, depuis l’amont, lors de la phase de fabrication des terminaux. Pour ce faire, il est essentiel de pouvoir mesurer ses impacts et ensuite, de structurer sa démarche pour piloter de manière dynamique votre démarche d’amélioration continue,
Autrice : Marie-Christine Aubin