La double matérialité influence fortement le nouveau rapport de durabilité qui sera progressivement mis en place à partir de 2024. En pratique, les entreprises concernées devront faire une analyse de double matérialité pour déterminer les problèmes de durabilité les plus "pertinents" à inclure dans le rapport final.
Qu’est ce que la double matérialité ?
Définition
La double matérialité est une méthode comptable qui évalue une entreprise en tenant compte de ses aspects financiers (comme les profits) et de ses impacts sur la durabilité (comme les effets économiques, sociaux et environnementaux). Ce n’est donc pas une approche uniquement financière, car elle comprend également comment l'entreprise affecte la société et l'environnement. On distingue deux aspects :
- La matérialité simple, qui se concentre sur les aspects financiers. Elle examine comment la durabilité peut influencer positivement (opportunités) ou négativement (risques) les finances de l'entreprise.
- La matérialité d’impact, qui se concentre sur le social et l'environnement. Elle regarde comment les actions de l'entreprise affectent son environnement économique, social et naturel.
Cela signifie qu'il est important d'analyser comment une entreprise affecte sa propre performance, son secteur et d'autres systèmes. C'est plus exigeant pour les entreprises, mais plus efficace pour lutter contre la crise environnementale.
Enjeux
La liste des enjeux soumis à l’analyse de double matérialité sont disponibles dans les ESRS. On distingue 3 enjeux, eux même déclinés en sous-enjeux :
- L’enjeu environnemental, avec le changement climatique (ESRS E1) , la pollution (ESRS E2), les ressources aquatiques et marines (ESRS E3), la biodiversité et l’écosystèmes (ESRS E4), ainsi que l’utilisation des ressources et l’économie circulaire (ESRS E5).
- L’enjeu social, prenant en compte les effectifs de l’entreprise (ESRS S1), les travailleurs au sein de la chaîne de valeur (ESRS S2), les communautés affectées (ESRS S3) ainsi que les consommateurs et utilisateurs (ESRS S4).
- L’enjeu de gouvernance, qui se traduit principalement par la conduire tes affaires (ESRS G1).
Matérialité simple VS double matérialité
La simple matérialité se concentre sur les questions ESG importantes pour la performance financière, en mettant l'accent sur ce qui est le plus pertinent pour une entreprise ou un investissement (on en a d’ailleurs déjà parlé dans notre article sur la stratégie de reporting extra-financier !) . Cette approche, appelée "Outside-In", vise à éviter trop d'informations, permettant aux investisseurs et aux entreprises de se concentrer sur les points clés pour la durabilité et la performance financière.
Cependant, il y a un conflit entre la simple matérialité et la double matérialité dans la finance durable. La simple matérialité est critiquée pour privilégier le profit à court terme et ne pas tenir compte des impacts externes des activités. En revanche, la double matérialité tient compte de la responsabilité des entreprises envers la société et l'environnement, cherchant à équilibrer les préoccupations internes et externes.
Les tensions entre ces deux points de vue sont visibles par l'intermédiaire de groupes influents tels que l'International Sustainability Standards Board (ISSB) qui promeut la simple matérialité, et l'Union Européenne avec sa Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui défend la double matérialité. Le choix entre ces approches affecte la manière dont les facteurs ESG sont évalués et communiqués dans la finance durable.
Les détracteurs de la simple matérialité disent qu'elle néglige les impacts sociaux et environnementaux des activités. Ce débat compliqué reflète les tensions actuelles autour de l'évaluation des facteurs ESG, avec des changements futurs dépendant des décisions réglementaires, des préférences des investisseurs, et de notre compréhension des enjeux de durabilité.
Et si vous adoptiez la double matérialité ?
L’EFRAG devrait publier prochainement les consignes et les lignes directrices quant à la réalisation de l’analyse en double matérialité. Ce guide devrait définir le degré de précision des enjeux (enjeux, sous-enjeux ou sous-sous-enjeux), sachant que plus l’échelle est fine, plus l’analyse est exploitable. Toutefois, l’organisme a publié, en 2022, une méthodologie pour évaluer le degré de matérialité d’un enjeu, sous la forme d’une grille d’analyse. C’est une première base sur laquelle les entreprises peuvent s’appuyer pour effectuer une analyse de double matérialité efficace et utile, mais il convient également de suivre plusieurs étapes incontournables.
Identifier et évaluer les enjeux à analyser
Toujours selon l’EFRAG, l'objectif principal est d'évaluer la double matérialité de chaque enjeu ESRS. Une évaluation qui se fait en fonction de la matérialité de l'impact et de la matérialité financière. La matérialité de l'impact s'évalue selon :
- La qualité de l'impact (positif ou négatif)
- Le type d'effet (avéré ou potentiel)
- La gravité de l'impact, calculée à partir de trois éléments : l'importance de l'impact, son étendue (sur les populations et les territoires) et sa remédiabilité
- La probabilité d'occurrence
En parallèle, la matérialité financière est quant à elle évaluée en fonction de :
- La qualité de l'enjeu (positif ou négatif)
- L'importance
- La probabilité d'occurrence
Chaque enjeu est aussi analysé en fonction de ses impacts, risques et opportunités sur trois horizons temporels : court terme (moins d'un an), moyen terme (entre 1 et 5 ans) et long terme (plus de 5 ans).
À ce jour, l'entreprise peut utiliser une échelle de notation personnalisée (par exemple, de 1 à 5) pour mesurer l'intensité de l'importance, de l'étendue et de la possibilité de remédiation. Si l'enjeu dépasse un certain seuil, il est considéré comme matériel du point de vue de son impact. Le choix du seuil de matérialité devra être justifié.
Après cela, l'entreprise doit consolider ses résultats, c'est-à-dire s'assurer que les données ont été pondérées en fonction du nombre de parties prenantes interrogées et de la taille du groupe et de ses filiales (sur la base du chiffre d'affaires ou des équivalents temps plein (ETP)).
Il est à noter que toutes les entreprises soumises à la CSRD devront obligatoirement communiquer sur les enjeux de l'ESRS 2. Il n'est donc pas nécessaire de les analyser sous l'angle de la double matérialité.
Identifier et impliquer les parties prenantes
L'intégration de la double matérialité dans l'analyse des enjeux ESRS nécessite d’entamer le dialogue avec les parties prenantes impactées, de près ou de loin, par les activités de l'entreprise. Bien que la consultation des parties prenantes ne soit pas obligatoire selon la CSRD, elle est vivement recommandée dans le cadre de la matrice de double matérialité. Mais pourquoi impliquer les parties prenantes ?
- Pour anticiper les controverses potentielles
- Pour identifier des opportunités liées aux activités de l'entreprise
- Offrir une perspective plus large sur les enjeux ESG de l'entreprise, permettant de découvrir et d'exploiter des signaux faibles dans l'environnement opérationnel
- Ajuster la stratégie de l'entreprise en fonction des retours et des préoccupations exprimés.
Créer sa matrice de double matérialité pour passer à l’action !
Pour représenter visuellement les résultats de votre évaluation de double matérialité, vous pouvez utiliser une matrice de matérialité qui permettra de hiérarchiser et de visualiser l'importance des différents sujets. En se servant de cette évaluation, votre entreprise pourra orienter sa stratégie et ses actions pour répondre aux problèmes de durabilité les plus cruciaux !
L'adoption de la double matérialité émerge comme un impératif pour les entreprises cherchant à intégrer des considérations financières et durables dans leur stratégie. Digital4Better, en partenariat avec le bureau de conseil Tenzing, a créé une solution digitale innovante pour simplifier cette analyse complexe, transformant la double matérialité en un outil dynamique de pilotage stratégique. Vous êtes intéressées ? Vous pouvez nous contacter dès maintenant pour en savoir plus !