Comment passer à l'action vers la sobriété numérique?
Depuis une vingtaine d'année, le numérique s'est ancré dans nos modes de vie, et nous parvenons de plus en plus à prendre conscience de ses impacts qui ne cessent d'augmenter. On parle d'un numérique qui pèserait jusqu'à 8% des gaz à effet de serre en 2030 selon The Shift Project.
Comment inverser la tendance? Comment changer nos usages pour un numérique plus respectueux de notre planète et des personnes?
Ce qu'on appelle la sobriété numérique, c'est la modération des choses, se poser des questions sur nos usages, au niveau de la conception et des différentes utilisations.
Comment modérer? Et bien, par un meilleur choix des énergies, des métaux, du travail nécessaire pour fabriquer un produit et surtout prendre en compte le cycle de vie. Mais comment appliquer ce concept aux services numériques?
L'impact environnemental des systèmes d'information
Pour ce qui est des conséquences des émissions polluantes, le secteur du numérique est responsable de 4% des émissions de gaz à effet de serre, et sera en augmentation d'ici 2025.
Pour ce qui est de la consommation du numérique: cela représente 10% d'électricité consommée chaque année.
44% de cette empreinte carbone serait attribuable à la fabrication des terminaux numériques (tablette, smartphone, ordinateur) et 56% de leur utilisation, selon cette étude du Sénat.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le numérique est tout sauf virtuel, son impact sur la planète est bien réel. Et qu'en est-il des systèmes d'information d'entreprise? Ces derniers ne font qu'abonder sur cette empreinte. Le poids des applications ne cesse d'augmenter chaque année, accumulant les canapés souvent inutilement. Les applications sont de plus en plus lourdes. Les applications prennent le raccourci de ne supporter que les dernières versions de navigateur et systèmes d'exploitation, œuvrant ainsi encore plus à une obsolescence programmée destructrice. Tout ceci engendre une empreinte environnementale qui ne cesse de s'alourdir.
Concevoir des services numériques accessibles, avec une meilleure empreinte écologique
La sobriété numérique appliquée aux services numériques, comment s'y prendre?
Le premier pas est déjà la prise de conscience. Si l'ensemble des acteurs ne sont pas sensibilisés à la sobriété numérique, rien ne change vraiment. Vous ne pouvez pas changer ce dont vous n'avez pas conscience. Une sensibilité qui ensuite doit passer à une étape plus concrète d'actions.
La règle des 3U
Il existe différentes approches pour aborder la sobriété numérique. Les choses simples sont souvent les meilleures. Prenez par exemple la règle des 3U : Utile, utilisable, utilisé. Cette règle très simple permet de se poser de bonnes questions en amont.
Est-ce que cette fonctionnalité est utile? Répond-t-elle aux besoins des utilisateurs, ou est-ce seulement du confort? Est-ce que cette fonctionnalité est utilisable? La conception est-elle ergonomique, adaptée aux différents modes d'usage? Est-ce que cette fonctionnalité est utilisée? Va-t-elle réellement être utilisée par les utilisateurs?
Pour illustrer cette règle des 3 U: les banques mettent toutes à disposition une messagerie interne sur leur plateforme (web ou mobile peu importe).
Cette messagerie est-elle utile? On peut se poser la question
Est-elle utilisable? Ergonomiquement l'interface de la messagerie est loin de ce que l'on a l'habitude d'utiliser, qui a envie d'utiliser ce genre de messagerie.
Est-elle utilisée? presque pas, voir pas du tout pour nombre de clients
Cette fonctionnalité ne respecte pas la règle des 3U. Un exemple de non-sobriété numérique.
Vous trouverez nombre d’autres approches pour abonder dans le sens d'une sobriété numérique, comme les approches agiles à impact de Digital4better.
La sobriété numérique appliquée au matériel
La fabrication du matériel et des terminaux (smartphone, PC, Serveur….) pèse pour 50% dans l’empreinte environnementale du numérique et sans doute pire encore dans l’empreinte sociale.
La sobriété appliquée au matériel ne fait pas mieux. Il est presque ancré dans les mœurs de changer de téléphone ou d'ordinateur, dès que le nouveau modèle est en vente pour toujours répondre à de nouveaux besoins superflus. Si on veut parler en chiffres en France : il y 631 millions d’équipements numériques soit environ 11 équipements par utilisateur. L’univers numérique représente 6,2% de la consommation d’énergie primaire.
Qu’en est-il du sourcing du matériel en entreprise ? Afin de simplifier le process, il est courant de voir un même matériel informatique acheté pour tout le monde. Cette approche qui permet d’uniformiser fait abstraction du besoin, des usages réels qu’aura l’utilisateur. Partir des usages pour le matériel est primordial. Nul besoin d’équiper tout le monde de double ou triple écran pour rien par exemple. Si vous saviez le nombre d’écrans délaissés sur les plateaux des locaux d’entreprise (on dit non à l’orphelinat des écrans).
Acheter du matériel recyclé est un excellent réflexe, même si encore complexe à appliquer à grande échelle. De même, il est essentiel de penser à la réutilisation, en premier lieu en interne puis ensuite via des organismes en externe.
De la sobriété à la frugalité numérique
De manière plus simple, cela signifie : faire plus avec moins. Prenons un exemple pour mieux comprendre.
L'illustration d’un point de vente ou de n’importe quelle entreprise, lieu, ou sur une plateforme web. Lors de la recherche, la page va vous proposer une géolocalisation Google Map ou autre service. Ce service de localisation est utile, cela nous permet de savoir où se situe le point de vente ; il est utilisable, nous sommes en effet habituée à utiliser ces services et l’on peut calculer son itinéraire directement ; il sera très probablement utilisé également. Cette fonctionnalité respecte donc la règle des 3U.
Comment rendre cet exemple plus frugal ? Il s’agirait d’avoir une simple image optimisée (compressée) avec juste un plan et une adresse.
Quels en seront les résultats ? Une bien meilleure empreinte environnementale évidemment, le coût de développement serait moindre, l’utilisateur aura une meilleure performance technique car la page s’affichera plus vite.
Un exemple de frugalité versus sobriété. La question n’est bien sûr pas de faire cela pour tous les services, mais se poser la question de la frugalité dans certains cas.
La frugalité est aussi une innovation. Autre exemple : si les produits sont plus simples dans leur fabrication, ils seront très probablement plus facilement réparables. Et là on reboucle avec les excellents principes de l’économie circulaire.
Auteure : Clémence Marin