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Quid de l'impact de la phase de fabrication d'un service numérique ?

Ariane Molet, Consultante Numérique Responsable, revient sur l’évaluation de l’impact d’un service numérique dans une démarche d’écoconception

L’évaluation de l’impact de fabrication d’un service numérique : la première étape d’une démarche d’écoconception

 
Lorsque survient le besoin d’un service numérique, apparait dans le même temps la première opportunité de s’insérer dans une démarche d’écoconception. En effet, quelle que soit la finalité du service, il est nécessaire de se questionner sur son utilité, avant même sa création.  Ariane Molet, consultante Numérique Responsable au sein de digital4better (société éditrice de fruggr), revient en détail sur cette étape clé de l’écoconception, et en particulier sur l’évaluation de l’impact environnemental de fabrication d’un service 

Quels sont les indicateurs clés à considérer pour évaluer l’impact de de la fabrication d'un service numérique ? 🗝️

Quand on parle de phase de fabrication, on parle de tout ce qui va être utilisé pour mener à bien le projet avant la mise à disposition du service auprès des utilisateurs.

Pour quantifier l’impact de l’étape de fabrication, on prendra en compte un certain nombre de facteurs qui correspondent aux scopes 2 et 3 :  

  • Utilisation du matériel informatique (ordinateurs, smartphone, imprimantes) : via l’utilisation du matériel informatique 
  • Utilisation de ressources et applications numériques (messageries, visio, documents partagés, applications SAAS…) : les collaborateurs évoluent quotidiennement dans un environnement de travail digitalisé, adapté à des fonctionnements plus coopératifs, plus flexibles, dont le lien quasi permanent avec Internet et les cloud est transparent mais bien réel en termes d’impacts  
  • Infrastructure : le recours aux data centers notamment pour le stockage de fichiers liés au projet, et aux réseaux pour l’hébergement du service 
  • Déplacements : trajets en train ou en voiture pour valider des étapes du projet avec des parties prenantes 

 
Il est nécessaire de comptabiliser tous ces postes d’émission en amont, en découpant les différentes étapes et en anticipant les impacts de chacune d’entre elles. Cela peut se faire avec les équipes du projet évidemment, les équipes de la DSI, les équipes de communicants et/ou les représentants RSE/Numérique Responsable.

Bien qu’il puisse être complexe d’obtenir des données précises à ce sujet (notamment pour les infrastructures), il est important de collecter le plus de data possible afin d’avoir une idée concrète de l’impact de la phase de fabrication dans l’ACV (Analyse du Cycle de Vie) de votre service numérique.  

Existe-t-il une méthodologie précise pour mener une évaluation complète de l'impact de fabrication d'un service numérique ? 🗒️

 
Notre approche méthodologique n'est pas uniforme, car nous traitons chaque projet client de manière individuelle. Tout dépend du type d'infrastructure que nous examinons et de la qualité des données disponibles.

 Par exemple, prenons GreenOps : notre méthodologie initiale se base sur les données des principaux fournisseurs de services cloud, mais chaque projet est traité ensuite de manière adaptée en fonction des services mis en œuvre par l’entreprise. Nous partons des données que nous pouvons obtenir de manière précise grâce aux hébergeurs qui nous les fournissent, avant de s’intéresser aux particularités de l’entreprise qui pourraient influencer ces données. En revanche, lorsque nous travaillons sur une échelle plus réduite, nous pouvons être face à des clients qui maîtrisent leurs propres infrastructures. Dans ces cas-là, ce seront eux qui nous fourniront leurs données internes, ce qui nous permet de gagner en précision dans l’évaluation.

Comment cette étape d’évaluation a-t-elle un impact concret sur l’empreinte environnementale du service ? 🌎

Il est un point important à noter : l'empreinte de fabrication du service est intrinsèque, c'est-à-dire qu'une fois que le service est mis à disposition de l'utilisateur, il n'y aura ni augmentation ni diminution de cette empreinte.

L'objectif est de maximiser la durée de vie du service afin de rentabiliser au mieux l'étape de fabrication.”- Ariane Molet, Experte Numérique Responsable  

Étant donné que cette empreinte est déterminée dès la fin de la fabrication, il est primordial de l'amortir au maximum. Si, par exemple, le service est arrêté après seulement deux ans d'utilisation alors que sa fabrication a nécessité 1 an de travail, on peut s’interroger sur l’intérêt du projet et voir un gaspillage de l'investissement en termes de poids carbone. C'est pour cette raison que la phase de fabrication est soigneusement élaborée, afin d'assurer une durée de vie maximale pour le service. 

Il existe plusieurs niveaux à prendre en compte pour atteindre cet objectif : d'abord, le niveau technique qui englobe la fabrication du code, mais aussi la maintenance du service. Il est essentiel de maintenir régulièrement le site à jour pour s'assurer que les bonnes mises à jour sont appliquées et pour éviter les failles de sécurité. 

Un autre niveau crucial est lié aux besoins des utilisateurs. Il est nécessaire de se demander en permanence si le service reste utile pour eux. Des ajustements doivent être effectués pour garantir que le service reste pertinent, en supprimant éventuellement des parties obsolètes et en ajoutant de nouvelles fonctionnalités au besoin. Pour cela, il est important de se conformer à la règle des 3U : le service doit être utilisé, utile et utilisable

Comment peut-on illustrer l'importance de la phase d'évaluation dans le processus de fabrication à travers un exemple de projet fruggr ? 🧪

Un des chiffres-clés que nous nous efforçons d'atteindre dans tous nos projets est le score fruggr de 85/100, soit le certificat fruggr A, avant de débuter la production du projet. Cela nous permet d'optimiser les sites existants, tout en nous donnant des repères pour évaluer la qualité de nos actions. En effet, nous avons besoin d'une base solide pour tracer une trajectoire adéquate vers un numérique à l’empreinte la plus réduite possible et à l’impact positif. 

Un exemple concret qui illustre cette approche en amont est notre collaboration avec l’ADEME. En ce qui concerne l'ambition de la DSI de l'ADEME, elle souhaitait notamment optimiser 40 de ses services numériques. Nous en sommes actuellement à 23, dont 19 ont déjà obtenu un score supérieur à 75/100 avec fruggr, que ce soient des projets existants ou en cours de développement. On note notamment des scores à plus de 80/100 pour plusieurs nouveaux sites.. Face à ces résultats encourageants, nous sommes motivés à aller plus loin plus rapidement en nous fixant comme objectif d'atteindre 60 sites connectés avec un score dépassant les 75/100. Avec près de 150 sites sous sa responsabilité, , cette phase d’optimisation de ses sites est une étape intermédiaire essentielle pour l’ADEME dans sa trajectoire de décarbonation numérique.

Soigner l’avant pour mieux anticiper l’après : l’importance de l’évaluation en amont 🔙

En somme, l’évaluation de l’impact carbone d’un service numérique en amont d’un projet d’écoconception ne répond pas à un cadre d’intervention figé et rigide. Cette phase nécessite une appropriation du contexte pour pouvoir doser au mieux la prise en compte des diverses sources d’information : les données fournisseurs (hébergeur, constructeur, cloud provider…), les données propres à l’organisation ainsi que des données validées ou fournies par des équipes expertes du Numérique Responsable. Cette étape d’évaluation répond avant tout à une phase de réflexion collective : comment faire un produit qui aura le moins d’impact possible sur l’environnement ? Profondément ancré dans une démarche de sobriété, cette phase doit s’accompagner d’actions concrètes même une fois le service mis en ligne afin de s’assurer qu’il reste frugal dans son fonctionnement nominal et ses futures évolutions.

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