L'analyse de maturité Numérique Responsable, expliquée par Jérôme Lucas
Il est souvent dit que la mesure est la première étape, celle qui permet de déterminer l’empreinte environnementale et sociale des services numériques d’une organisation donnée. Pourtant, un point de départ primordial et essentiel à une démarche Numérique Responsable est bien celui du diagnostic de la maturité : en d’autres termes, savoir où se situe l’entreprise dans son plan de de décarbonation numérique ? Par le biais de questions sur la gouvernance, la démarche projet, la stratégie matériel IT ou la gestion RH de l’organisation, l’évaluation réalisée par nos équipes permet d’établir une évaluation globale de la maturité et de mettre en place une trajectoire pérenne pour elle. Retour sur le diagnostic de maturité Numérique Responsable avec Jérôme Lucas, co-fondateur de digital4better, éditeur de fruggr.
Pouvez-vous parler de cette étape déterminante que représente le diagnostic de la maturité ?
Le diagnostic de la maturité constitue véritablement la première étape essentielle pour initier un processus de transition numérique. C'est une première action indispensable qui permet de lancer la réflexion de l’ensemble des équipes sur le sujet. Nous avons créé notre propre matrice de matérialité NR, un outil simple et intuitif qui contribue à obtenir une vision globale et précise de la maturité de l’organisation en termes de Numérique Responsable, et ainsi de déterminer les actions concrètes à mettre en place en priorité. Ce diagnostic permet, notamment, à une organisation de savoir où elle en est en matière de Numérique Responsable. Car, en effet, beaucoup d’aspects sont une question de bon sens, et les organisations se rendent comptent qu’elles font déjà des choses sans le savoir. Cela leur permet, ainsi, de pouvoir communiquer (à leurs collaborateurs, leurs clients, leurs partenaires).
Quels sont les critères clés que vous utilisez pour évaluer la maturité d'une entreprise en termes de démarche numérique responsable ?
Notre outil de diagnostic est intitulé “Matrice NR4B” : il nous permet de dresser une carte précise de l’état de maturité d’une organisation en termes de Numérique Responsable. Nous avons déterminé 8 axes stratégiques afin de faire une évaluation de maturité globale :
- La gouvernance en termes de Numérique Responsable
- La gestion RH, à savoir les actions de sensibilisation à la responsabilité numérique et d’inclusion au sein de l’entreprise
- La communication de l’organisation sur ses actions NR
- La politique en termes d’achats numériques
- La stratégie financière vis-à-vis de son plan de transition numérique
- La gestion des ressources numériques
- L'intégration du NR dans la conception des services numériques
- L’optimisation des Systèmes d’Information
Ces thématiques, que nous avons récemment restructurées se rapprochent des référentiels RGESN (Référentiel Général d’Eco-Conception des Services Numériques), GR491 (INR), et du Label NR. Ces huit thématiques que nous avons définis sont réparties un ensemble de 200 questions, dont les réponses vont permettre de situer précisément le niveau de maturité de l’organisation, d’identifier les axes forts et les axes d’amélioration. Il est possible de retrouver les résultats de cette analyse de maturité dans le cockpit fruggr.
Comment recueillez vous les données nécessaires pour évaluer la maturité d'une entreprise en début de projet ?
Nous recueillons les données par le biais d’Interviews avec des personnes clés au sein de l’organisation, telles que le responsable RSE, la personne chargée du Numérique Responsable au sein de la DSI ou encore le responsable des projets et des achats numériques. A l’issue de ces entretiens, nous les accompagnons dans le remplissage du questionnaire, qui constitue, comme le RGESN, une auto-évaluation. Nous sommes là pour les guider dans leurs réponses par le biais de notre expertise sur le sujet.
Le but de la collecte de ces réponses est d’avoir une vue globale et de distinguer là où il y a des lacunes (ou à l’inverse, des actions déjà enclenchées) pour savoir où se concentrer, et quels chantiers à prioriser pour construire une trajectoire de décarbonation numérique solide.
Une fois l’évaluation réalisée, comment fait-on la transition entre la phase de diagnostic et la phase d’action ?
Une fois le diagnostic consolidé, l’idée est de définir ensemble les ambitions de l’entreprise en termes de Numérique Responsable (par exemple, obtenir le label NR) et de décarbonation numérique. Cette définition peut se faire via un atelier de travail où on implique toutes les parties prenantes. Une fois l’ambition identifiée et validée, on distingue les chantiers (en général une vingtaine) dont la nécessité est mise en lumière par le diagnostic, puis on les hiérarchise par ordre de priorité pour obtenir une trajectoire claire. C’est également à cette étape qu’on définit une temporalité claire pour la feuille de route : à horizon 1, 3 ou 5 ans. Les actions qui peuvent être mises en place sur le court et moyen terme peuvent comprendre :
- La formation des équipes de la DSI à l’écoconception
- L’amélioration de l’empreinte environnementale des services numériques via la réponse au RGESN
- La mise à jour de la politique d'achat du matériel informatique
- La mise en place d’actions pour répondre au référentiel d’accessibilité numérique (RGAA)
- Etc.
Le diagnostic, en plus d'être essentiel pour amorcer la réflexion, joue un rôle clé en clarifiant ce qu’est réellement le Numérique Responsable, en mettant en évidence l'ampleur des actions qu'il permet d'entreprendre. Il sensibilise les acteurs chargés de cette initiative au sein des organisations et leur offre une vision claire des implications d'une approche axée sur le Numérique Responsable.
Pourriez vous partager une expérience concrète où vous avez accompagné une entreprise dans l'évaluation de sa maturité en matière de Responsabilité Numérique ?
Nous avons pu travailler en collaboration avec l’agglomération de La Rochelle, qui s’est révélée être assez mature dans son approche. En effet, elle nous a dit avoir développé des groupes de travail avec de nombreuses collectivités pour partager leur avancement respectif sur le Numérique Responsable. Etant réceptive à notre outil, l’agglomération de la Rochelle l’a donc recommandé à une quinzaine de collectivités. Nous les avons interviewées et accompagnées dans leur auto-évaluation, suivie d'un audit. Cela nous a permis de leur attribuer une note comparative par rapport à la moyenne de toutes les collectivités auditées.
Il est important de noter que les questions que nous soumettons sont standardisées. Et ce afin que, peu importe le secteur, nous soyons capables de dresser un comparatif des différentes entreprises, et ainsi, de disposer d’une meilleure perspective. Notre méthodologie facilite par cela la comparaison entre les organisations, non pas dans un esprit de compétition mais d’inspiration mutuelle pour appliquer les bonnes pratiques et de les partager.